Les mondes parallèles existent. À l’heure où je parle, il y en a bien des milliards, car chacun vit dans son monde, tous ces mondes sont le monde passé par des prismes, chacun porte son prisme qu’il façonne à son gré, et le mien se voit peuplé de femmes traumatisées. Où que je tourne la tête, elles éclatent à mes yeux : des pépites dans la lie d’une rivière, comme une poupée perdue et retrouvée dans une montagne d’ordures inconnues¹. J’ai donné un nom à mon polyèdre : elle s’appelle MUSOGYNIE. MUSOGYNIE est un musée de la misogynie, de l’image des femmes, de sa mythification, de sa sexualisation, de son objectification, de sa violence. (…)
1 2666, Roberto Bolaño, 2004
extrait du texte de présentation de MUSOGYNIE.
Née en 1995.
Vit et travaille à Nice.
melina.ghorafi@villa-arson.school
portfolio de l'artiste à télécharger
Instagram : ghorafimelina
Le travail de Mélina Ghorafi se déploie à partir de recherches spécifiques dans la tradition orale et les arts vernaculaires. Elle valorise des récits mineurs et s’intéresse en particulier à faire ressurgir les violences ayant été invisibilisées. En spéculant de manière fictionnelle sur leurs origines, elle cherche à déconstruire ces récits pour relire et réécrire leurs significations. En retrouvant l’origine de la comptine Jean Petit qui danse, à savoir l’histoire d’un croquant ayant été condamné au supplice de la roue, elle a fait émerger un récit de torture détaillé sur chaque partie du corps. Elle a fait des recherches sur la vie et le statut des bourrelles (femmes des bourreaux) qui parfois finissaient la tâche de leurs maris. À partir de là, elle a inventé ce qu’elle appelle un « fakelore », un faux folklore d’une communauté médiévale de femmes-bourreaux. Elle s’intéresse en particulier aux icones féminines associées au thème de la violence dans la culture populaire ; leurs récits mais également les artefacts qui leur sont associés et les couleurs symboliques qui leur sont attachées. Dans ses performances, elle a fait émerger deux costumes qui sont devenus récurrents : la robe bleue tachée de sperme de Monica Levinsky et une robe rose tachée de sang, évocation du tailleur Chanel rose de Jacky Kennedy. Elle s’est mise à porter du violet lors de ses représentations, fusion entre le rose et le bleu, couleur qu’elle a fait sienne, une stratégie d’incarnation et de mise à distance – le viol-et. Elle collecte des histoires et des objets variés autour de la normalisation patriarcale du viol comme les artefacts créés autour de la tradition « Embrasser Fanny », des paroles de chansons paillardes ou des clips de rap américain… L’objectif est de créer MUSOGYNIE, un musée de la misogynie, avec l’espoir que si un sujet mérite un musée c’est que, selon ses mots, « son anéantissement approche doucement ».
Barbara Sirieix, le 11 juin 2019.